Le mystère de mon paternel (partie 29)

Le lendemain, mercredi 10 juillet 1996, je me lève avec un moral d’enfer, après une nuit très bonne. J’ai dormi comme un bébé et le sourire avec lequel je me suis couché hier soir a du rester toute la nuit. Je me sens plein de cette énergie sourde qui bouillonne en moi, comme si je pouvais sentir toutes les particules sous ma peau. L’idée de passer une journée en compagnie de Moyra me met d’excellente humeur et c’est la tête pleine de pensées positives que je rejoins Henri pour le petit déjeuner. Lorsqu’il me voit arriver rayonnant, il me fait un clin d’œil et me dit juste :

« Et bien, je vois que la soirée a été bonne pour l’un d’entre nous. »

« Elle fut… surprenante et agréable finalement. »

« Je n’en demanderai pas plus, le sourire épanoui sur ton visage me suffit. »

J’aime la discrétion d’Henri. J’aime sa finesse et j’aime la complicité qu’il peut y avoir entre nous parfois.

Le petit déjeuner avalé, nous nous rendons à la station de location de voiture, sur Great Victoria’s Street, à quelques dizaines de mètres de notre hôtel. Moyra nous y attend déjà. Elle tends la main à Henri puis la joue à moi. Je lui fais donc la bise. Nous louons une Ford Escort vert anglais à boite automatique. C’est la seconde fois que je monte en voiture avec conduite à droite et cela me fait assez bizarre. Mais on s’y habitue assez vite. Je n’ai mon permis que depuis trois mois, aussi je n’ai pas le droit de conduire. Nous avons de la chance, le soleil est au rendez-vous. Nous décidons d’opter pour la partie nord de la péninsule d’Ards et de longer la côte en faisant le tour de la péninsule. Moyra nous signale alors que nous ne serons pas seul à nous balader alors que nous montons en voiture : elle à gauche, devant, à la place du copilote, et moi derrière, derrière elle. D’un signe de tête, elle nous indique une berline bleue foncée et nous explique que les garçons ( Corey et Padràic) étant revenus durant la nuit, après avoir été longuement interrogés durant leur journée, les policiers ont donc instauré une surveillance sur la famille adoptive de Moyra et nous risquons fortement d’être suivis toute la journée. Nous allons devoir jouer le jeu.

La route de la côte est très découpée et les points de vue sont nombreux et splendides. La côte en elle-même est constellée de petites criques et anses enfermant des ports de pêche. Nous traversons Bangor sans nous y arrêter, préférant y faire halte au retour, pour le repas de midi. La côte ouest (intérieure de la péninsule longe le Strangford Lough. Le premier arrêt est le Mount Stewart : château du 17^ème siècle, propriété du marquis de Londonderry et ses superbes jardins où nous avons flâné avec plaisir sous les rayons caressants d’un soleil bienveillant. Jardins qui sont à voir tant le micro climat de la région permet à une profusion d’espèces de fleurir et d’égayer la verdure ambiante de couleurs multiples et variées. Il n’y a pas beaucoup de visiteurs à cette époque, même pour l’un des sites les plus charmants de toute l’Irlande. Mais nous visitons quand même le château au milieu d’un groupe de touristes parmi lesquels un de nos suiveurs s’est glissé. Nous nous amusons comme des fous à le semer dans les jardins, nos rires, guidant bien souvent le policier pour nous retrouver. D’un geste naturel, la main de Moyra est venue se loger dans la mienne et nous trouvons tous les prétextes possibles pour nous frôler, nous serrer l’un contre l’autre ou nous embrasser dès qu’Henri qui tente de s’intéresser à la visite, nous tourne le dos. Nous sommes à cet instant, rien de plus que deux adolescents qui découvrons nos sentiments, nous dévoilons l’un à l’autre, sans redouter le lendemain. Je dois dire que la douceur de ses lèvres et de ses baisers est encore dans ma mémoire et ces moments tout au long de cette journée sont parmi les meilleurs souvenirs de couple que j’ai à ce jour.